Le Barde
Morne et seul, je passais mes jours à m’attrister,
Mais l’Esprit du pays m’est venu visiter,
Et le son de sa voix semblait le chant des brises
Qui sifflent dans la lande aux bords des pierres grises.
Il dit : « Je fus un barde, et l’on me chante encor.
Cette colline verte au-dessous de Ker-Rorh
Est ma tombe. À ses pieds le torrent se déchaîne.
Là, durant les chaleurs, sous les branches d’un chêne,
Un vieux prêtre chrétien souvent venait s’asseoir ;
Et toi, qui par la main guidais cet homme noir,
Enfant, tu t’asseyais près de lui sur la mousse,
Et tu lisais alors d’une voix calme et douce.
D’un sage et vieux druide, ainsi, dans la forêt,
Disciple, je suivis l’enseignement secret.
J’ai redit vos discours aux Esprits des bruyères ;
Et ceux des bois taillis, des étangs, des rivières,
Quand ton livre s’ouvrait, volaient en tourbillons :
On eût dit sous le chêne un essaim de frelons,
Tant arrivaient d’Esprits, d’Ombres et d’Âmes folles
Pour recueillir le miel des savantes paroles.