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NOTICE

avec Gwenclan et Aneuzin (une académie qui n’est pas mauvaise), — avec Talièsin et Merlin.

« — Mais en Bretagne il y a des bardes encore ; — or chantez tous ses louanges en des gwerz qui vivront à jamais dans le pays.

« — Et, moi, je voudrais avoir deux ailes et de grandes plumes pour m’envoler au loin par delà la mer bleue, afin de dire à nos frères des contrées lointaines : — « Pleurez et portez le deuil ! »

« Il est mort, le barde de la Petite-Bretagne ! Bois de chênes, et vous, mer, pleurez ! — « S’il est mort, c’est pour revivre « d’une vie meilleure ! » répond une voix venue de loin[1]. »


On connaît les détails de sa mort. Atteint d’une maladie de poitrine, il était allé dans le midi de la France, à Montpellier, chercher le soleil qu’il aimait tant. Ni le soleil d’avril, ni les soins de l’amitié, ni les secours de l’art, ne purent le sauver. Il garda jusqu’au dernier jour la sérénité de son intelligence, l’exquise sensibilité de son âme. Du cœur et des lèvres il envoyait un souvenir à chacun de ses amis. Ses dernières pensées ont été pour sa mère et la Bretagne. « Quand je serai mort, disait-il à celui qui l’assistait, insérez quelques mots très simples, très modestes, dans un journal de Montpellier ; dites que la Bretagne devrait bien ouvrir une souscription pour faire transporter mon corps dans ma patrie. J’ai fait cela moi-même pour Le Gonidec. » L’inspiration religieuse ayant été l’âme de sa vie et de ses chants, on me demandera sans doute dans quels sentiments il est mort. Je dois être discret sur ce point ; Brizeux a voulu mourir caché comme il avait vécu. Je le dirai seulement, car il ne me l’a pas défendu, et cette révélation contiendra peut-être un avertissement salutaire : le parti qui se prétend religieux, et qui éloigne du christianisme un grand nombre des plus nobles âmes de ce temps-ci, lui était devenu, dans ces dernières années, plus odieux que jamais. Il craignait d’être confondu avec ces pharisiens, et cette crainte le préoccupait beaucoup trop assurément : quel rapport entre l’artiste chrétien et de judaïques docteurs ? Il est mort plein de foi

  1. L’auteur de ces vers est M. F.-M. Luzel.