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de l’hiver, — fauche sans merci dans notre Bretagne ; — sa faux csl toute rouge de sang.

« Mais ce sang-là a bonne odeur ; — il sent la rose et l’aubépine blanche ; — car c’est le sang d’un barde, d’un vrai Breton, — qui partout chantait son pays.

« Brizeux est mort, le barde d’Arvor ! — Il est mort pour revivre en un monde meilleur. — Chantez le chant d’adieu, ô vous, forêts et mer ! — Rossignol de nuit, pleure son trépas.

« Et vous, ô Marie, sur sa tombe priez Dieu et la Vierge, — et mettez une rose nouvelle à l’endroit du cœur du doux chanteur.

« Mais où faudra-t-il enterrer le corps du barde qui chanta si bien le pays que nous aimons tous, — mer tout autour, bois au milieu ?

«  Mettez-le à la pointe du Raz, prés de la mer profonde, où il entendra dans le vent le chant des blanches prêtresses de l’île de Sein.

« Ou bien encore mettez-le dans la plaine de Carnac, sous le plus grand des men-hir, et près de là plantez un jeune chêne.

« Sur le men-hir fruste et sans ornement, vous graverez un petit livre doré, — et aux branches du chêne vous suspendrez une harpe.

« Et le vent de mer, en passant, chantera des sônes et des gwerz, et sur les branches du chêne le rossignol pleurera toute la nuit.

« Ô Français, dans votre Académie vous n’avez pas voulu du barde de Bretagne, qui chanta toujours la patrie et la foi[1].

« — Et vous avez bien fait, — car dans un autre monde il est

  1. Ce reproche n’est pas tout à fait juste. Quelques jours après la mort de Brizeux, un membre éminent de l’Académie française m’écrivait ces mots : « Hier, à notre réunion du jeudi, on savait la triste nouvelle, et l’on s’en est fort entretenu, avec tous les regrets et les éloges dus à un poète qui appartenait par bien des côtés à l’Académie, et qui était fait pour lui appartenir de plus en plus. »