J’ai oublié de mentionner deux ouvrages de Brizeux qui complètent sa physionomie, deux ouvrages celtiques et français à la fois, La Harpe d’Armorique (Télen Arvor[1]) et Sagesse de Bretagne (Fumez Breiz[2]). La Harpe d’Armorique est le recueil des vers qu’il a composés dans sa langue natale pour les paysans de Léon et de Cornouaille. La plupart de ces chhants sont bien connus aujourd’hui de Vannes à Kemper et de Kemper à Tréguier. Les lardes rustiques les débitent aux fêtes patronales avec accompagnement de biniou, les métayers les répètent au coin de l’âtre pendant les soirées d’hiver. L’auteur nous en donne ici le texte breton avec une traduction littérale ; il les a traduits ailleurs en beaux vers et les a insérés dans ses poèmes, unissant ainsi ses inspirations populaires à ses inspirations d’artiste, car l’unité est partout dans la vie et les œuvres de Brizeux. Le livre intitulé Sagesse de Bretagne est un petit trésor de proverbes armoricains. « Nous l’avons recueilli, dit le poète, de la bouche même des marins et des laboureurs. » On y sent en effet la saveur du sol et de la mer. Fruits variés de l’expérience, bon sens pratique, finesse joyeuse, profondeur naive, voilà ce que renferment d’ordinaire les recueils de cette nature ; il y a, dans celui-ci, des accents imprévus où se révèle une race originale. L’ingénieuse distribution de ces devises en augmente l’intérêt ; vous reconnaissez encore le poète à la manière dont il a lié sa gerbe. L’ouvrage est terminé par une touchante et instructive notice sur M. Le Gonidec ; le portrait de ce savant homme est à sa place au milieu de ces études celtiques dont il a été le promoteur. Ajoutons a ces curieuses recherches un Dictionnaire de topographie bretonne, auquel Brizeux a consacré de longues années, et que ses compatriotes, sans doute, ne laisseront pas inédit. Si les Histoires poétiques sont les notes morales du poème des Bretons, ces deux livres en sont les notes philologiques, géographiques, et ils montrent avec quel soin religieux l’écrivain accomplissait sa tache.
Voilà le poète ; l’homme n’est pas moins intéressant à étudier