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ces épisodes, et d’autres encore, montrent que saint Cornéli a bien inspiré son poète. Je comprends mieux aussi le caractère des hommes, tant de douceur et de fermeté, tant de patience et de force, l’accord d’une philosophie si vraie et de superstitions si poétiques, et voyant tous ces contrastes si merveilleusement associés, je répète la conclusion que Brizeux lui-même, si modeste pourtant, n’a pas craint d’exprimer avec confiance : « Ramené à son principe, ce poème des Bretons pourrait s’appeler Harmonie. »

La première édition des Bretons avait paru en 1845 ; l’année suivante, sur l’initiative de M. Alfred de Vigny et grâce au chaleureux concours de M. Victor Hugo, ce beau poème fut couronné par l’Académie française. Cependant Brizeux continuait ses études de penseur et d’artiste, tantôt retouchant ses œuvres, déjà publiées, changeant un mot, ajoutant un vers, tourmenté des plus délicats scrupules de l’artiste, tantôt méditant sur toutes choses avec une extrême sensibilité d’intelligence et faisant pour l’avenir maintes provisions de poésie. Il aimait avec passion ce souffle littéraire qu’on respire à Paris, les visites aux musées, les théories à outrance sur la philosophie et l’art, théories parfois subtiles, téméraires, qui eussent ébouriffé les sols, charmantes et salutaires, entre gens qui se comprennent ; et pourtant au bout de quelques mois il avait toujours besoin de se retremper dans une autre atmosphère. Il partait alors pour le midi de la France, et de là four l’Italie, Il y passa l’hiver de 1847 ; c’était le quatrième séjour qu’il y faisait, ce fut aussi le dernier. La révolution de 1848 le surprit à Rome. Âme généreuse, il avait noblement chanté, après 1830, la liberté idéale, la belle déesse athénienne qui conduit le cortège des arts et sanctifie le travail ; les désordres de 1848 le remplirent de tristesse. Très lié avec un homme d’élite qui joua un noble rôle dans les premiers temps de la révolution italienne, il ne se fit pas longtemps illusion sur les espérances de son ami : dans toutes les villes, Venise seule exceptée, le mouvement d’une régénération nationale était arrêté par les violences démagogiques. Ce spectacle, nous le voyons par ses lettres, l’affligea profondément. Il resta pourtant en Italie pendant toute l’année 1848, habitant tour à tour Rome, Naples, Florence, cherchant partout