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NOTICE

bretons, et parmi lesquels il a rencontré plus d’une fois des appréciateurs intelligents. » Je le vois d’ici dans l’auberge du bourg, heureux de causer breton avec les gens de Cornouaille et de Léon, de noter leurs impressions naïves, et de passer ainsi les heures de la veillée en pleine poésie rustique. Dans le pays de Vannes, comme dans le pays de Tréguier, à Carnac et dans les îles, il allait rassemblant ces merveilleux traits de poésie dont son œuvre a si bien profité. Un juge très autorisé[1] a exprimé le regret qu’un poème intitulé Les Bretons ne fut pas consacré surtout à la Bretagne héroïque, à la Bretagne des Du Guesclin et des Beaumanoir, des Montfort et des Clisson. Brizeux réservait une composition de ce genre pour une période ultérieure ; il croyait faire une œuvre plus opportune, et à laquelle il était appelé mieux que personne, en recueillant les fragments épars de l’épopée populaire. La Bretagne héroïque, on la retrouvera toujours dans l’histoire ; les mœurs du laboureur et du marin, les traditions druidiques mêlées d’une manière si originale aux cérémonies chrétiennes, est-on sur de les retrouver ? Il y en a déjà qui s’effacent ; il faut les recueillir au plus vite ; il faut les chanter et les défendre. Voilà ce que Brizeux cherchait dans les chaumières de la Bretagne. Il consacra bien des années à ce travail, et il en fut récompensé par les plus vives émotions du cœur comme par les plus belles inspirations poétiques. Que de jouissances pour l’ami des lutteurs de Scaer ! que de transports inattendus pour l’artiste !

Une chose admirable dans ce poème, c’est qu’étant si Breton, il soit en même temps si profondément humain. Ce tableau d’une race particulière nous représente avec un art accompli la grande famille des hommes. Rien de plus local par les mœurs et les costumes, rien de plus général par les sentiments. Que de richesses cachées dans les détails ! Que d’images fraîches et vigoureuses de la vie ! Du printemps à l’hiver, du berceau de l’enfant à la tombe du vieillard, combien de scènes où la nature et l’humanité s’épanouissent en leur simplicité première ! Je voudrais qu’il me fût permis de com-

  1. M. Charles Magnin ; voyez la Revue des Deux Mondes du 1er août 1845.