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Le génie de sa langue natale était fixé dans ce livre : il l’ouvrit et le parcourut en silence ; puis, d’un air satisfait, le tint quelque temps fermé entre ses mains. — Ce dernier trait résume bien la vie d’un homme dévoué à une seule idée : il connaissait le prix de son travail et se félicitait en mourant de l’avoir accompli.

Oui, quelles que soient vers l’unité de langage les tendances de la philosophie, ceux-là ont bien mérité, qui surent conserver, en pénétrant leurs principes, les formes variées qu’a revêtues la pensée humaine. Le Gonidec fut de ce nombre : il peut s’appeler le régulateur de la langue et de la littérature celto-bretonnes. Grammaire, dictionnaires et textes de langue, son œuvre embrasse tout, et ses livres, si chers à son pays, ne se recommandent pas moins par leur saine critique aux érudits de toute l’Europe ; disons mieux : ils se recommandent par le sujet comme par la méthode, puisque les civilisations modernes recouvrent en bien des lieux des origines celtiques.

La France, qu’on nous accorde ces préliminaires, a trop oublié la Gaule. Et cependant la France trouverait encore en Armorique la source première de sa langue, j’ajouterais de son ancienne littérature, s’il fallait ici entourer le grammairien et l’écrivain breton des vieux bardes, ses devanciers. Et qui niera, devant les noms d’Hoël et d’Arthur, le chef gallois, que le mouvement poétique des vie et viie siècles ne fût dans les deux Bretagnes ? Il est vrai, les poèmes d’Armorique, comme les hymnes franks recueillis par Charlemagne, sont perdus ; mais les rimeurs du moyen âge, Chrestien de Troyes, Regnaud, Robert Wace, ne