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des communications de sa famille, me permettront de jeter un jour nouveau sur toute une part de sa vie que ses plus intimes amis connaissaient peu. Un de ses condisciples à l’école du curé d’Arzaunô, un camarade de Loïc, d’Élô, de Daniel, qui a été au catéchisme avec Marie, s’est fait un pieux devoir de rassembler pour nous ses souvenirs. Je voudrais soulever les voiles de la poésie sans en profaner le doux mystère ; je voudrais suivre, de l’enfance à la virilité, la destinée du poète et l’histoire de son âme.

Julien-Auguste-Pélage Brizeux est né à Lorient le 12 septembre 1803. Sa famille était originaire de l’Irlande, de cette verte Érinn, qu’il aimait comme une seconde patrie, et qu’il a tant de fois, dans ses chants, associée à la Bretagne :

 
Car les vierges d’Eir-inn et les vierges d’Arvor
Sont des fruits détachés du même rameau d’or.

Les Brizeux (Brizeuk, breton, de Breiz, Bretagne) seraient venus en France après la révolution de 1688, lorsque Guillaume d’Orange eut détrôné Jacques II. Ils s’établirent au bord de l’Ellé, à l’extrémité de la Cornouaille, aux confins du pays de Vannes. L’aïeul du poète, notaire et contrôleur des actes, avait une nombreuse famille et une fortune médiocre ; après lui, le manoir paternel fut vendu, et les enfants se dispersèrent. L’un d’eux, c’est le père de celui qui a écrit Marie, Pélage-Julien Brizeux, servit avec honneur dans la chirurgie de marine pendant les guerres de la révolution. La mer, la Bretagne, les souvenirs lointains de l’Irlande, ce furent là pour l’enfant les premières sources d’impressions, de ces impressions qu’une âme naïve recueille sans les comprendre, qui s’endorment et paraissent s’y éteindre, puis un jour, longtemps après, se réveillent tout à coup, pleines de fraîcheur et d’énergie. Il était encore bien jeune quand il eut le malheur de perdre son père. Il lui restait une mère dont l’influence fut singulièrement vive sur son éducation morale. On a remarqué chez plus d’un grand poète moderne l’action de l’âme maternelle. Il y a là-dessus, des pages bien senties de M. Sainte-Beuve. Virgile a eu raison de dire : Cui non risere parentes… Celui à qui sa mère n’a pas souri, ni les dieux ni