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empruntés à un livre récemment publié ; il les transcrivait pour un ami, pour un enfant peut-être, et ce furent, si ma mémoire ne me trompe pas, les dernières lignes qu’il ait tracées. Quels étaient ces vers ? des vers de Brizeux, cette jolie chanson du pêcheur, avec ce refrain si confiant, si joyeux :

Le bon Jésus marchait sur l’eau :
Va sans peur, mon petit bateau !

« Mais je ne me lasserais pas de répandre ces fleurs sur son cercueil, manibus date lilia plenis. Terminons du moins par ce cri d’espérance qu’il jetait vers l’éternelle patrie dans une des plus belles pages de son œuvre. Je parle de ce Livre des Conseils, où il prend un jeune homme au sortir de l’enfance et le conduit par la main de la jeunesse à la virilité, de la virilité à la vieillesse, de la vieillesse à la mort. Arrivé au dernier terme, il détourne ses yeux de la terre, de cette terre qu’il a aimée, de ce monde où son âme de poète découvrait tant de trésors caches, et, les regards dirigés vers le ciel, il s’écrie :

Ce monde a ses grandeurs ; l’autre, plus vaste encor,
À l’esprit du mourant montre ses sphères d’or,
Et vers l’immensité décide son essor !

« Cette confiance, cet amour, ce furent là ses consolations, je le sais, au milieu des épreuves de l’agonie !

« Adieu donc, et repose en paix, ô mon ami ! du sein de cette vie meilleure où tu es entré, rends-moi l’assistance que je t’ai prêtée ici-bas. Tu es de ceux dont l’action bienfaisante survit à notre destinée d’un jour. Au moment où nous déposons ici la dépouille mortelle, tu m’as fourni l’occasion de redire à des esprits dignes de les entendre, quelques-unes des plus belles pages sorties de ton cœur. Quand je te rentrai bientôt aux mains de la famille, qui m’avait confié la douce et douloureuse mission de la représenter à ton lit de mort, quand ton corps ira reposer sous cette terre de l’Armorique consacrée par tes chants, les autres amis qui viendront au-devant de toi remercieront, mieux que je ne sau-