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Marie


 
« Ouvre ! c’est moi, Joseph ! — Quoi ! si tard en voyage !
N’as-tu pas rencontré les chiens près du village ?
Bon dieu ! seul et si tard dans le creux des chemins !
À ce feu de Noël viens réchauffer tes mains.
Noël ! t’en souvient-il ; quand, pour bâtir la crèche,
Les prêtres nous menaient cueillir la mousse fraîche ?
— Ne ris pas ! c’est Noël qui chez toi me conduit :
Je viens entendre encor la Messe de Minuit.
— Nous irons avec toi toute la maisonnée.
Ma jeune femme aussi. Car, depuis une année,
J’ai pris femme, au moment d’être soldat du roi.
A ton tour, mon ami, près du feu conte-moi
Les pays d’où tu viens… C’est du vieux cidre ! Approche !
Mélèn, appelez-nous au premier son de cloche. »

Soyez béni, mon dieu ! Dans les biens d’ici-bas,
Ceux qu’on poursuit le plus, je ne les aurai pas.
Il en est quelques-uns, hélas ! que je regrette ;
Mais il en est aussi que la foule rejette,
Et votre juste main me les donna, mon Dieu !
Des biens que je n’ai pas ceux-ci me tiennent lieu.
Dans cette humble maison, près de ce chêne en flamme,
Ce soir, je vous bénis, et du fond de mon âme !