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En ces jours de discorde et de haine jalouse,
Comme on baise en pleurant les lèvres d’une épouse,
A ton souffle amoureux on vient se ranimer,
Et dans ton sein fécond pleurer et s’enfermer !
Ah ! quel père, aujourd’hui, la joie au fond de l’âme,
En prenant son enfant des genoux de sa femme
Et sous sa large main tenant ce jeune front,
Heureux de s’y revoir, frais, souriant et blond,
À ces rares instants où la vie est complète,
Où l’âme se nourrit d’une douceur muette,
Quel père tout à coup n’a frémi malgré lui,
Songeant dans quel chaos le monde erre aujourd’hui,
Et quel nuage épais, quelle sombre tempête,
Semblent s’amonceler au loin sur chaque tête ?
Bienheureux mon pays, pauvre et content de peu,
S’il reste d’un pied sûr dans le sentier de Dieu,
Fidèle au souvenir de ses nobles coutumes,
Fier de son vieux langage et fier de ses costumes,
Ensemble harmonieux de force et de beauté,
Et qu’avec tant d’amour le premier j’ai chanté !

Bourgs d’Ellé, je reviens ! Accueillez votre barde !
Vieux Matelinn, l’aveugle, allons, prends ta bombarde
Place-toi sur ta porte, et pour moi joue un air
Quand je traverserai le pont du Gorré-Ker !