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plus d’une fois l’occasion de vous citer les vers de M. Brizeux, le chantre de Marie, des Bretons et des Histoires poétiques. L’auteur de ces belles pages vient de mourir à Montpellier. Epuisé par ses travaux, par une sensibilité ardente, par une vie toute dévouée au culte de l’art, il était venu réchauffer son corps au soleil du Midi ; il est arrivé ici le 16 avril et s’est éteint aujourd’hui, 3 mai, à cinq heures du matin. J’étais le seul ami personnel qu’il eût à Montpellier ; permettez-moi d’espérer que les amis de son talent voudront bien se réunir à moi pour l’accompagner à l’église. Il serait trop douloureux de penser que, dans une ville si sympathique aux lettres, un tel poète ait pu disparaître sans recevoir les hommages de la sympathie publique.

« Brizeux est mort loin de sa mère, loin de son pays, qu’il a si bien chanté, loin de ses amis de Bretagne et de Paris. Je prie mes chers auditeurs, je les prie tous, connus et inconnus, de vouloir bien répondre à mon appel. Brizeux n’avait pas cette réputation bruyante qui est due, aujourd’hui plus que jamais, aux clameurs intéressées des coteries ; mais les meilleurs juges le plaçaient à un rang élevé parmi les plus nobles écrivains de nos jours, et il s’était formé un public d’élite qui lui était tendrement dévoué. Associez-vous, Messieurs, à ce public d’élite ; il est digne de vos sympathies, le poète qui n’a jamais chanté que la religion, la patrie, la liberté, le culte du bien et du beau, les sentiments les plus purs de l’âme humaine.

« Saint-René Taillandier. »

Le lendemain, 4 mai, l’élite de la ville s’était rendue à mon invitation. Des professeurs des Facultés, des conseillers de la Cour impériale, des membres de nos sociétés savantes, des étudiants, des ouvriers même (le cœur de Brizeux a dû en tressaillir) accompagnèrent le cercueil du poète à l’église Sainte-Eulalie. De là, nous le conduisîmes au cimetière ; il fut déposé dans un caveau provisoire, en attendant que des mains pieuses vinssent le chercher pour l’ensevelir en Bretagne. Au moment où le cortège dut se séparer, je prononçai, non sans larmes, au nom de tous les amis absents,