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La Chaîne d’or


 
Cest un usage encor dans nos pieux rochers :
Aux approches du soir, quand les jeunes vachers
Ramènent en sifflant leurs troupeaux à l’étable,
Ces enfants croiraient faire une action coupable
S’ils éteignaient alors la braise du tison
Qui fuma tout le jour dans le creux d’un buisson.
Durant la nuit, qui sait si l’âme d’un vieux pâtre
Ne viendra point s’asseoir sur la pierre de l’âtre,
Et, frileuse, y souffler, de même qu’autrefois
Ce vieux pâtre en gardant ses vaches dans les bois ?
Si le chef d’une ferme, ou la mère, ou la fille,
Si quelque membre enfin décède en la famille,
Les ruches qui chantaient aux deux côtés du seuil
Sont couvertes de noir, en signe d’un grand deuil :
Aux pleurs de la maison, à toutes ses prières
On veut associer ce peuple d’ouvrières.
Au contraire, à la ferme, un matin fortuné,
Qu’après neuf mois d’attente arrive un nouveau-né,
Qu’un bonheur imprévu dans la famille éclate,
Chaque ruche reçoit un voile d’écarlate ;
Tous ont l’habit de fête, et dans les deux maisons
On entend résonner la joie et les chansons.