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L’aimable enfant rougit (car déjà nos deux âmes
Suivaient, comme nos corps, le mouvement des rames).
Et l’Irlandaise aussi, dans le fond du canot,
Nous sourit doucement mais sans dire un seul mot.
« Çà, repartit la vieille, écoutez ! j’ai cinq filles,
Aussi blondes que vous, toutes les cinq gentilles ;
Venez les voir. — Non, non ! Je n’en ai plus besoin.
Pour trouver mes amours je n’irai pas si loin. »

Or, sachez-le, Tina, la jeune Cornouaillaise,
Forte comme à vingt ans, est mince comme à treize,
Et jamais je n’ai vu, d’Edern à Saint-Urien,
Dans l’habit de Kemper corps pris comme le sien.

« Ainsi, continuai-je, en abordant à terre,
Tina, je vous conduis tout droit chez votre mère,
De là chez le curé. Jeune fille, irons-nous ? »
Et Tina répondit : « Je ferai comme vous. »

Mais Barba : « Pourquoi rire avec cette promesse ?
Si demain à Tûdi vous entendez la messe,
Vous verrez dans le chœur un officier du roi
Dont la femme a porté des coiffes comme moi.
— Mes lèvres et mon cœur ont le même langage,
Brave femme, et je puis vous nommer un village
Où l’on sait si mon cœur à l’orgueil est enclin,
Et si j’ai du mépris pour les coiffes de lin.
— Eh bien ! venez chez moi, vous verrez mes cinq filles,
Aussi blondes que vous, toutes les cinq gentilles.
— Jésus dieu ! soupira Tina tout en ramant,
La méchante qui veut m’enlever mon amant !
— Non, ma bonne ! je veux te garder au novice,
Ce pauvre Efflam qui meurt d’amour à ton service. »