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Il y a déjà quatorze ans que Brizeux faisait son premier testament littéraire ; prévoyant le cas où une mort subite ne lui permettrait pas de prendre lui-même ses dernières dispositions, il avait donné à M. Lacaussade des instructions très précises pour la publication de ses œuvres. L’ami sincère, le poète discret et pur, qui recevait ce témoignage si digne d’envie, y trouvait la juste récompense du dévouement le plus délicat et le plus tendre. « Mon cher Lacaussade, écrivait Brizeux le 2 octobre 1846, je remets entre vos fidèles mains cette liste de mes poésies qui vous servira à les publier dans un ordre convenable, si elles étaient destinées à me survivre. » Certes, il n’avait pas oublié ce legs formulé avec une simplicité si touchante, lorsque, onze ans après, ayant eu la pensée de me dédier une de ses histoires poétiques, il y insérait ces vers, témoignage bien précieux aussi pour moi de son indulgente et confiante amitié :

Des bords de la Durance aux fleuves des Germains,
Ô sage explorateur des grands courants humains !
Mort, je vous lègue, ami, le soin de ma mémoire.
.     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .
Ah ! mes vers, sur les flots, dans les bois recueillis,
Mes vers, mon seul trésor, ne seront point trahis !
Vous avez le respect de toute noble chose ;
Entre vos nobles mains, ami, je les dépose.

La mission que Brizeux me donnait ainsi en 1857 ne révoquait pas celle qu’il avait confiée à M. Auguste Lacaussade. C’était plutôt la confirmation de sa pensée première ; il nous associait tous deux à la même œuvre. Les instructions écrites pour M. Lacaussade en 1846 et celles qu’il devait me laisser plus tard se combinaient ensemble, se complétaient mutuellement. L’un et l’autre, au même titre, nous étions chargés de veiller sur la mémoire du poète. Lorsque Brizeux, dans les vers qu’on vient de lire, sembla m’attribuer plus spécialement ce soin, avait-il pressenti, hélas ! que je recueillerais si tôt ses paroles suprêmes ?

Au mois d’avril 1858, atteint déjà d’une maladie mortelle, il