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Bonheur domestique


 
Tous les jours m’apportaient une lettre nouvelle.
On m’écrivait : « Ami, viens ! la saison est belle ;
Ma femme a fait pour toi décorer sa maison,
Et mon petit Arthur sait bégayer ton nom. »
Je partis, et deux jours d’une route poudreuse
M’amenèrent enfin à la maison heureuse,
A la blanche maison de mes heureux amis.
J’entrai, l’heure sonnait ; autour d’un couvert mis,
Dès le seuil j’aperçus, en rond sous la charmille,
Pour le repas du soir la riante famille.
« C’est lui ! c’est lui ! » — Soudain, et sièges et repas,
On quitte tout, on court, on me presse en ses bras ;
Et puis les questions, les pleurs mêlés de rire ;
Et ces mots que toujours on se reprend à dire :
« C’est donc lui ! le voilà ! le voilà près de nous ! »
Moi, je serrais les mains à ces tendres époux,
Et j’appelais Arthur, qui, le doigt dans sa bouche,
De loin me regardait d’un œil noir et farouche.
Enfin on se rassied. Rougissante à demi,
La jeune femme alors : « Vraiment de ton ami
Tant de fois tu parlas que, moi, sans le connaître,
Je le jugeais ainsi, mais moins pâle peut-être.
— Et toi, de mon Emma que dis-tu ? Sans façon !
Le paresseux pourtant de demeurer garçon !