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Marie


 
Ô maison du Moustoir ! combien de fois la nuit,
Ou quand j’erre le jour dans la foule et le bruit,
Tu m’apparais ! — Je vois les toits de ton village
Baignés à l’horizon dans des mers de feuillage,
Une grêle fumée au-dessus, dans un champ
Une femme de loin appelant son enfant,
Ou bien un jeune pâtre assis près de sa vache,
Qui, tandis qu’indolente elle paît à l’attache,
Entonne un air breton si plaintif et si doux
Qu’en le chantant ma voix vous ferait pleurer tous.
Oh ! les bruits, les odeurs, les murs gris des chaumières,
Le petit sentier blanc et bordé de bruyères,
Tout renaît comme au temps où, pieds nus, sur le soir,
J’escaladais la porte et courais au Moustoir ;
Et dans ces souvenirs où je me sens revivre,
Mon pauvre cœur troublé se délecte et s’enivre !
Aussi, sans me lasser, tous les jours je revois
Le haut des toits de chaume et le bouquet de bois,
Au vieux puits la servante allant emplir ses cruches
Et le courtil en fleur où bourdonnent les ruches,
Et l’aire, et le lavoir, et la grange ; en un coin,
Les pommes par monceaux ; et les meules de foin ;