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Arrive désormais, puisque dans ce moment
Tu ne t’es pas brisé sous quelque battement !
— Marie ! — Ah ! c’était elle, élégante, parée ;
De ses deux sœurs enfants, sœur prudente, entourée :
Belle comme un fruit mûr entre deux jeunes fleurs.
Le passé, le présent, le sourire, les pleurs,
Tout cela devant moi ! Qu’elles étaient riantes,
Ces deux sœurs de Marie à ses côtés pendantes !
C’était Marie enfant ; je voyais à la fois
Mes amours d’aujourd’hui, mes amours d’autrefois,
Mon ancienne Marie encor plus gracieuse ;
Encor son joli cou, sa peau brune et soyeuse ;
Légère sur ses pieds ; encor ses yeux si doux
Tandis qu’elle sourit regardant en dessous ;
Et puis, devant ses sœurs à la voix trop légère,
L’air calme d’une épouse et d’une jeune mère.

Comme elle m’observait : « Oh ! lui dis-je en breton.
Vous ne savez donc plus mon visage et mon nom ?
Maï, regardez-moi bien ; car, pour moi, jeune belle,
Vos traits et votre nom, Maï, je me les rappelle.
De chez vous bien des fois je faisais le chemin.
— Mon dieu, c’est lui ! » dit-elle en me prenant la main.
Et nous pleurions. Bientôt j’eus appris son histoire :
Un mari, des enfants. C’était tout. Comment croire
À ce triste roman qu’ensuite je contai ?
Ma mère et mon pays, que j’avais tout quitté ;
Que dans Paris, si loin, rêvant de sa chaumière,
Je pensais à Marie, elle, pauvre fermière,
Que ce jour même au bourg j’étais en son honneur,
Et que de son mari j’enviais le bonheur :
Imaginations, caprices, fou délire