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Ne sens-tu pas d’ici les vagues toutes proches ?
Et la mer ! l’entends-tu ? Vois-tu tous ces pêcheurs ?
N’entends-tu pas les cris et les bras des nageurs ?
Ah ! rendez-moi la mer et les bruits du rivage :
C’est là que s’éveilla mon enfance sauvage ;
Dans ces flots, orageux comme mon avenir,
Se reflètent ma vie et tout mon souvenir !
La mer ! J’aime la mer mugissante et houleuse,
Ou, comme en un bassin une liqueur huileuse,
La mer calme et d’argent ! Sur ses flancs écumeux
Quel plaisir de descendre et de bondir comme eux,
Ou, mollement bercé, retenant son haleine,
De céder comme une algue au flux qui vous entraîne !
Alors on ne voit plus que l’onde et que les cieux,
Les nuages dorés passant silencieux,
Et les oiseaux de mer, tous allongeant la tête
Et jetant un cri sourd en signe de tempête…
O mer, dans ton repos, dans tes bruits, dans ton air,
Comme un amant, je t’aime ! et te salue, ô mer !

Assez, assez nager ! L’ombre vient, la mer tremble ;
Contre les flots, mon frère, assez lutter ensemble !
Retrempés dans leur sel, assouplis et nerveux,
Partons ! Le vent du soir séchera nos cheveux.

Quelle joie en rentrant, mais calme et sans délire,
Quand, debout sur la porte et tâchant de sourire,
Une mère inquiète est là qui vous attend,
Vous baise sur le front, et pour vous à l’instant
Presse les serviteurs, quand le foyer pétille,
Et que nul n’est absent du repas de famille !
Monotone la veille, et vide, la maison