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Vers écrits à Livry


 
Dans ces calculs du sort qu’on appelle hasard,
Si le bonheur obtient trop rarement sa part,
S’il faut, le cœur serré, pensif et solitaire,
Poursuivre avec effort sa course sur la terre,
Attendant vainement qu’au détour du chemin
Un ami se présente et nous serre la main,
À quoi bon espérer ? Sans projets, sans envie,
Ne cherchons désormais que l’oubli de la vie :
Que chaque objet qui passe, ou noble ou gracieux,
Nous attire ! et sur lui laissons aller nos yeux,
Vivons hors de nous-même. Il est dans la nature,
Dans tout ce qui se meut, et respire et murmure,
Dans les riches trésors de la création,
Il est des baumes sûrs à toute affliction :
C’est de s’abandonner à ces beautés naïves,
D’en observer les lois douces, inoffensives,
L’arbre qui pousse et meurt où nos mains l’ont planté,
Et l’oiseau qu’on écoute après qu’il a chanté.
Ainsi, selon l’objet que le ciel nous envoie,
Notre âme s’ouvre encore à l’innocente joie.
Un enfant sur sa porte en passant m’a souri :
À son rire si frais mon cœur s’est attendri ;