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C’est une vieille ruse en notre vieux pays.
Nos pères en vivaient : qu’elle profite aux fils !
Sur le vaisseau maudit encor quelques rafales,
Demain tout est à nous, les tonneaux et les balles,
Du drap pour nous vêtir, du vin plein nos maisons.
Ô justice du ciel, si c’étaient des Saxons ! »
 
Ils se turent alors, s’apprêtant au pillage.
Mais si je dis un jour le nom de leur village,
Contre eux le bourg entier, le pays viendra tout,
Il ne restera pas une pierre debout !…
Leurs regards avaient vu clair dans le sombre espace :
Voici qu’un bâtiment là-bas cherche la Passe,
Et ne peut la trouver ; et ces derniers signaux,
Connus des gens de mer, ont traversé les eaux.
Lutte affreuse ! Le ciel est plus noir que de l’encre ;
Tous les vents déchaînés sifflent ; autour de l’ancre,
Autour du mât, partout, marins et passagers
S’agitent sur le pont, tous ont mêmes dangers.
Un prêtre, un paysan, se mêlent aux manœuvres.
Ah ! quels bruits ! on dirait des milliers de couleuvres,
Et tous les grands récifs mugissant, bondissant,
Comme des insensés vers le ciel s’clançant !
 
Un vent si furieux sur l’angle d’une roche
Poussa le bâtiment, que sa perte était proche.
Tous, se couvrant la face, invoquèrent leur saint.
 
Des feux brillaient toujours sur la côte de Sein.

Comme après une nuit de fièvre et ce délire
Jusqu’au nouvel accès un malade respire,