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Bonnes gens, vous avez visité plus d’un port.
Mais dans les eaux du sud, du levant et du nord,
Partout où l’Océan se brise sur ses bornes,
Dites s’il est des mers plus noires et plus mornes,
Des sables désolés et nus comme ce banc
Qui s’étend devant nous au pied de Lan-Baban !
Moi, prêtre, je n’ai point visité d’autres plages :
De Saint-Pôl à Kemper voilà tous mes voyages ;
Mais, un jour, appelé chez un vieux desservant,
Mon ancien maître, alors dans le bourg de Plô-Van,
Je vis que notre sol, qui nous rend si moroses,
Ne m’avait pas encor montré de telles choses.
Seul, j’allai de Penn-Marh à la Pointe-du-Raz,
Et toujours devant moi c’était un pays ras,
Aussi plat que la mer, sans arbres, sans eau douce.
Le vent, comme du feu, brûle tout ce qui pousse.
Dans les sillons salés le blé seul peut venir.
Parfois, je découvrais au loin quelque men-hîr
Dans un champ de bruyère, ou, sans toit ni fenêtre,
Une église enfouie et près de disparaître.
La désolation, des ruines, partout !
Çà et là, des pignons, des murs restaient debout,
De la vieille Penn-Marh, qui vivait de naufrages
Et qu’ont détruite aussi la guerre et les orages.
— Monsieur ! reprit soudain Lilèz, que dites-vous ?
Parlez donc en breton, et parlez pour nous tous.
À ces hommes de mer vous contez des merveilles :
Laissez votre français, j’ouvrirai mes oreilles. »

Aucun ne répondit, car les sombres oiseaux
Volaient, volaient toujours sur la crête des eaux ;
La mer enflait d’horreur ses verdàtres mamelles ;