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Sous leur joug trop pesant ont abaissé leur cou ;
Aujourd’hui les voilà, spectacle lamentable !
Pareils à des agneaux, couchés dans leur étable.
Quel étrange secret, si, par l’art de vos yeux,
Vous prenez en passant la force de mes bœufs ! »

le maître de la lice.

« Je connais son secret, et je connais le vôtre :
Gens de cœur, bons chrétiens, vrais Bretons l’un et l’autre,
Capables en un jour de bêcher trois arpents.
Oui, vous êtes tous deux des bœufs et des serpents.
À vous deux le bélier ! Restez amis fidèles,
Comme des francs lutteurs vous êtes les modèles.
Allons ! j’entends là-bas des airs bruyants et gais ;
Et si vos pieds encor ne sont pas fatigués,
Je vois près des danseurs plus d’une jeune femme
Qui pour vous, braves gens, languit au fond de l’âme. »

« Hélas ! dans ces grands jeux chers à tout cœur ardent
Ne parut point Daûlaz ! « Bienheureux cependant.
Bienheureux un lutteur ! songeait-il en lui-même.
Pour témoin de sa force il a celle qu’il aime ;
S’il remporte un anneau, cette bague d’amour
En anneau nuptial peut se changer un jour. »
Alors de ses deux mains il entr’ouvrait sa veste,
S’apprêtant sur la lice à bondir fort et leste ;
Mais des sages disaient : m Ce jeune homme se perd !
Jeune homme, y pensez-vous ? Vous, Loïc ! vous, un clerc ! »
 
Sonne donc la bombarde ! et, saisi par la ronde,
Que parmi les heureux une heure il se confonde !