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Hoël, le métayer, eut ce poste d’honneur,
Qu’eût jadis, comme un droit, réclamé tout seigneur.
Mais où sont les manoirs, et dans quelle autre ferme
Trouver un roi des jeux plus expert et plus ferme ?
« Çà ! dit-il, je connais des fils de Belzébuth
Qui, pour moins d’un bélier, donneraient leur salut :
Des meuniers, des tailleurs, fournissent à ces traîtres
Des charmes de l’Enfer qu’ils cousent dans leurs guêtres ;
Pour gagner à coup sûr, d’autres, nouveaux Judas,
En vous serrant la main vous démontent le bras :
Nous chasserons d’ici ces hommes de malice.
Gens de cœur, à présent venez tous. — Lice ! Lice ! »
 
Entrèrent les lutteurs. D’abord un jeune enfant.
Ses cheveux longs et noirs ramenés en avant ;
Puis un second enfant, blond et de même taille,
Qui lia ses cheveux avec un brin de paille.
La fête commençait : durant quelques moments
On admira leurs bonds, leurs vifs enlacements.
Le plus jeune bientôt, le blond, plia ; sur l’herbe
Son rival l’étendit, et, tout rouge et superbe,
Il regarda la foule, agitant le mouchoir
Que lui, Noël Furic, venait de recevoir.

Soudain, de tous les rangs, des hommes de tout âge
S’avancent l’un sur l’autre ; et de nouveau s’engage
Une lice où, parmi les cris de mille voix,
Vingt couples de lutteurs combattaient à la fois.
On entendait : « Courage, Even ! Lilèz, courage !
Garçons de Banalec et de Scaer, à l’ouvrage ! »
On entendait aussi bien des rires moqueurs.
Les amis dans leurs bras soulevaient les vainqueurs.