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Une heure de plaisir sied bien au cœur des hommes :
Au chant de la bombarde, au jus doré des pommes,
Se ranime l’esprit, se redresse le corps ;
Pour les prochains travaux tous se sentent plus forts.
Pourtant, que les chevaux courent bride abattue,
Que Ronan soit vainqueur ou qu’un autre se tue,
Les luttes et la danse auront seules ma voix :
Où vous allez, Lilèz, une dernière fois,
Songeant, pauvre conscrit, pour quel dur exercice
Le roi, l’hiver prochain, vous appelle au service !
 
À Scaer, le lendemain de la fête du bourg.
Au bruit de la bombarde, au rappel du tambour.
On vit, comme la mer quand elle monte et houle,
Dans un immense pré courir toute une foule,
Et là, jeunes et vieux, hommes et femmes, tous
En cercle sur le pré rangés à deux genoux,
D’autres pendus aux troncs des ormes et des frênes,
Attendre les lutteurs sur ces vertes arènes.
Les plus forts de Corré, du Faouët, de Kérien,
Et ceux de Banalec, et ceux de Saint-Urien,
Devaient se signaler à ces fameuses joutes.
Les paroisses luttaient et se défiaient toutes.
Le vieux Moris Conan, malgré ses cheveux gris,
Reparut fièrement pour disputer les prix,
À savoir : deux chapeaux avec leurs lacets jaunes,
Une ceinture en laine et longue de quatre aunes,
Des bagues, des couteaux, enfin un bélier noir
Que tous les concurrents venaient peser et voir.
 
Bientôt, faisant siffler sa gaule blanche et lisse,
Un Ancien écarta la foule, et cria : « Lice ! » —