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Mais des remèdes sûrs, sans les chercher si loin,
Le pauvre en a partout ! Le pauvre a ses ressources !
Pour lui, Dieu n’a-t-il point amassé l’eau des sources ?
Scaer a la sienne aussi. De sa crosse d’argent,
Votre sainte patronne, appui de l’indigent,
La fit jaillir de terre, et cette bonne abbesse
Par soixante canaux l’emplit dès qu’elle baisse.
C’est presque une rivière, et fraîche et sans couleur,
Et qui vaut pour le goût le cidre le meilleur.
Dans vos maux, croyez-moi, n’espérez en personne.
Mais demandez au ciel, et prenez ce qu’il donne…
Vers trois ans, mon Loïc, si robuste aujourd’hui,
Languissait tristement d’un sort jeté sur lui ;
Comme votre Nannic, il était maigre et blême :
Alors, par le conseil d’une femme qui m’aime,
Je partis pour le bourg, mon fils entre les bras
(Car le pauvre chétif n’aurait pu faire un pas) ;
Là, je trempai son ccrps tout nu dans la fontaine
(C’était au mois de mai, le jour naissait à peine) ;
Je regardais ses pieds pour juger de son sort :
S’il les eût retirés, c’était un enfant mort ;
Mais il les allongea, de façon si gentille
Qu’on eût dit dans la source une petite anguille. »
 
C’est ainsi que Guenn-Du, le matin du Pardon,
D’une meule de cire à la sainte a fait don,
Et puis mené son fils à la source bénite
Où le mal disparut (disons-le tout de suite).
Sur l’herbe, les deux sœurs ont ouvert un drap blanc,
Afin de recevoir son jeune corps tremblant.
Beaucoup de gens dévots sont encor là qui prient,
Et regardent pleurer le pauvre enfant, et rient.