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Il cherchait son chemin, lorsqu’une voix qui beugle
Lui fait tourner la tête, et, dans l’ombre, il croit voir
Un troupeau qui passait le long du porche noir.
D’autres mugissements venaient de la fontaine.
Le jeune homme accourut. Là, près d’une centaine
D’immenses bœufs cornus, de vaches, de taureaux,
Conduits par les bouviers, faisaient le tour des eaux.
Un vieillard, pour le clerc facile à reconnaître,
Lui dit secrètement : « N’en contez rien au prêtre !
Mon jeune bouvillon, ici je l’ai conduit :
Les prêtres ont le jour, mais nous avons la nuit. »
Et le vieil et digne homme, avec l’eau sans pareille.
Abreuvait l’animal ; puis, au creux de l’oreille
Lui versait quelque goutte, en murmurant des mots
Dont le pouvoir secret guérit de tous les maux.
À d’autres on lavait le front et les deux cornes :
Les taureaux effrayés secouaient leurs fronts mornes ;
Mais le charme opérait, et toute la vigueur
Des bœufs de Corncii leur passait dans le cœur.
 
Et le jeune Daûlaz, marcheur des plus ingambes,
Sur la route d’Auray courait à toutes jambes,
Qu’avec le bruit des flots il entendait venir
La grande voix des bœufs errant dans les men-hîr.
Alors, se retournant vers la plaine azurée,
Il cria ; « Salut, mer ! Salut, terre sacrée ! »