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Au char sacerdotal ils étaient attelés :
Le char de Hu-Cadarn, ce symbole du monde,
Qu’ils avaient retiré des abîmes de l’onde. »
 
Derechef l’étranger se taisait. — Eh ! pourquoi
Ne vous dirais-je pas, Bretons, que c’était moi ?
Puisque tous, me prenant les mains comme des frères,
Vous disiez : « Oh ! restez, et causons de nos pères ! »
 
« Ô temples de l’Arvor, mystérieux Carnac,
De ton golfe sacré, comme autrefois du lac.
Quand le char surgissait, ô morne sanctuaire.
Quelle acclamation dans ton vaste ossuaire !
Tout à l’entour des Chefs les clans semblaient rugir,
Et les morts éveillés agitaient leurs men-hîr.
Cependant les deux bœufs aussi blancs que la neige
Lentement s’avançaient, puis l’immense cortège :
Les Druides remplis de l’esprit sibyllin,
Tous couronnés de chêne et revêtus de lin,
Les Disciples muets, les Ovates sans nombre,
Et les filles de Kéd, au front pâle, à l’oeil sombre :
Le sélage, le gui, l’utile samolus,
Dont le rune inspiré dit les triples vertus,
Composaient leur couronne ; et toutes, hors d’haleine,
Courant autour du char, effeuillaient la verveine ;
Puis, c’étaient les Guerriers avec leur collier d’or,
La braie et les cheveux tels qu’on les porte encor.
Ah ! bienheureux le champ où les divines roues
Passaient tuant l’ivraie et fécondant les boues,
L’infirme qu’avait vu l’œil des bœufs écumants,
Le troupeau qu’appelaient au loin leurs beuglements !
Ainsi le long des flots, à travers les bruyères,