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Et de ses bœufs sacrés ignorez-vous l’histoire ?
Bel, Ior, Dianâ, quel que fût son grand nom,
Régnait jadis au ciel, dieu formidable et bon ;
Et son fils Hu-Cadarn, image de son père,
Avec Kéd, son épouse, habitait sur la terre.
À la Pointe-du-Lac ils demeuraient tous deux,
Aimés comme des rois, puissants comme des dieux.
Or, il advint sur terre une grande détresse :
Le Castor-Noir mina le Lac-de-la-Prêtresse,
La terre s’abîma sous la fureur des eaux.
Les hommes avec elle et tous les animaux,
Hors deux navigateurs, et les deux bœufs superbes
Nourris par Hu-Cadarn de ses magiques herbes ;
Au globe qui sombrait sa main les attacha,
Et, tiré par les bœufs, le monde surnagea. »
 
Ici, le voyageur semblait faire une pose ;
Aussitôt le vieillard : « La merveilleuse chose !
Quel livre vous a dit ce que nous écoutons ?
Homme instruit ! oh ! parlez encor des vieux Bretons !

« — La trace de la peur est saignante et profonde !
Ils n’oublièrent pas, les deux sauvés de l’onde,
Ni leurs fils (après eux gardiens de leur savoir),
Le grand combat des bœufs contre le Castor-Noir.
Un prêtre, en souvenir du combat redoutable,
Choisissait au printemps deux bœufs, rois de l’étable ;
Et lavés par sa main, ôtés du joug fumant,
Dans les prés les plus gras ils paissaient librement.
Mais lorsque revenait l’équinoxe d’automne,
Un joug neuf, plus brillant que l’or d’une couronne.
Courbait leur front rétif, et, tous deux muselés,