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Mor-Vran dit : «Un Breton n’a point double promesse.
Vous deviez à Carnac entendre la grand’messe ;
Donnez-nous de bon cœur ce jour, c’est le dernier !
Sinon, mon brave ami, je vous tiens prisonnier. »
Refuser un tel hôte était lui faire outrage.
Le clerc déposa donc le bâton de voyage.
Il n’en eut point regret, non certe ! à chaque pas,
Que de choses il vit qu’ailleurs on ne voit pas !

Aujourd’hui, Cornéli, c’est votre jour de fête !
Votre crosse à la main et votre mitre en tête,
Des hommes de Carnac vous écoutez les vœux,
Majestueusement debout entre deux bœufs,
Bon patron des bestiaux ! et votre image sainte
Sur le seuil de l’église est nouvellement peinte ;
Mais les bœufs, les taureaux, les vaches au poil roux,
Hélas ! ne viennent plus défiler devant vous !
« Oui, disait un vieillard au milieu de la place,
Notre pays s’en va ! tout décline, tout passe !
Grand Dieu ! pour renverser nos usages bénis,
Avec les cœurs sans foi les prêtres sont unis !
Au temps du vieux curé, j’en ai bonne mémoire,
Le Pardon de Carnac semblait un jour de foire.
Alors, parés de fleurs, de feuillage, d’épis,
Les bœufs au large cou, les vaches aux longs pis,
Arrivaient par milliers ; et, toute une semaine,
Leur cortège tournait autour de la fontaine.
Comme saint Cornéli, cet ami des bestiaux,
Eloi, dans ce temps-là, protégeait lesciievaux ;
Saint Hervé les sauvait des loups ; et, sur leurs couches,
L’été, grâce à saint Marc, ils défiaient les mouches.
Alors l’homme souffrant avait un aide, alors