Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/59

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et ce qu’il redoutait il le lisait pourtant !
« Votre lettre est bien sombre, ô jeune homme ! bien sombre !
Aux lieux où vous passez on vous prend pour une Ombre !
Loïc, c’est que l’amour, s’il ne va point vers Dieu,
Laisse ceux qu’il atteint tout noircis de son feu ;
Et la science aussi nous leurre sur sa trace,
Pareille à l’herbe d’or qui brille, puis s’efface.
Pourquoi donc, pauvre clerc, errer loin de chez nous ?
Pour calmer votre cœur, Daûlaz, que cherchez-vous ?
Uevcncz ! N’ouvrez pas vos yeux à tant de choses.
La paix ne peut rester qu’en des âmes bien closes.
Où triste vous passiez vous reviendrez content.
Jour et nuit, votre mère en priant vous attend,
Car plus elle vieillit et plus elle vous aime :
Jeune homme ! revenez ! Je vous le dis moi-même. »
 
Lorsque l’ami d’Anna rentra dans la maison,
Les yeux et tous les traits de l’amoureux garçon
Brillaient, et ses cheveux autour de son visage
Frissonnaient comme autour d’un bouleau son feuillage.
Le voyant si joyeux, le vieux marin sourit.
Et Nona, qui lisait au fond de son esprit :
« Daûlaz, vous avez donc quelque bonne nouvelle ?
Lui dit-elle en filant. — Oui-da ! l’on me rappelle…
Pardonnez, reprit-il en leur tendant la main,
Je suis heureux, pourtant je vous quitte demain. »