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Mais la paix, la candeur, la foi des premiers âges ;
Les champs n’ont point de borne, et les seuils point de clé,
Les femmes d’un bras fort y récoltent le blé ;
De là sortent aussi, sur les vaisseaux de guerre,
Les marins de Bretagne, effroi de l’Angleterre.
 
Lorsqu’à l’île d’Hœdic aborda sans malheurs
Avec ses étrangers la barque des pêcheurs,
Le premier qui les vit accourut sur la côte.
Disant avec douceur : « Prenez-moi pour votre hôte ! »
Un autre, survenant, ajouta : « Demain soir,
À mon feu de varech vous viendrez vous asseoir.
Dans cet îlot pierreux qu’à grand’peine on défriche.
Pour vous garder longtemps aucun n’est assez riche ;
Mais chez chacun de nous venez loger un jour.
Et nos trente maisons s’ouvriront tour à tour :
Ainsi, connu de tous en quittant ces rivages,
Vous aurez des amis dans nos trente ménages. »

Puis, pour mieux honorer leur venue en ces lieux,
L’Ancien, le chef du bourg, voulut boire avec eux ;
Il les mena lui-même à la cave commune ;
On servit à chacun sa mesure, rien qu’une :
Ainsi le commandait la règle, et ce qu’on prit
Au mur de la maison par le Chef fut inscrit.

Car telle était cette île avec ses mœurs austères
Mais douces ; et Loïc, cet habitant des terres,
Admirant ces cœurs purs, ces fronts calmes et sains.
En lui-même disait : « Suis-je au pays des Saints ! »
Pour Mor-Vran, le marin, il était à la fête :
Il parlait de long cours, de pêche, de tempête.