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Des crêpes de blé noir s’élevant par étage ;
Hélène aussi servit un grand morceau de lard ;
Et tous les serviteurs au régal prirent part.
L’âme du jeune clerc était pleine d’ivresse :
S’il ne lui parlait pas, il voyait sa maîtresse.
 
On finissait, quand Bleiz aboya tout cà coup,
Comme il faisait toujours à l’approche du loup.
Lilèz courut au chien, et, retenant sa chaîne :
« Les Tal-Houarn, nos parents, sont ici prés du chêne.
Ils ont pris le vieux loup ! — C’est bien, neveu Lilèz !
S’ils veulent faire aussi leur quête, amène-les. »

L’été, lorsque du ciel tombe enfin la nuit fraîche,
Les bestiaux tout le jour retenus dans la crèche
Vont errer librement : au pied des verts coteaux.
Ils suivent pas à pas les longs détours des eaux.
S’étendent sur les prés, ou, dans la vapeur brune,
Hennissent bruyamment aux rayons de la lune.
Alors, de sa tanière attiré par leurs voix,
Les yeux en feu, le loup, comme un trait, sort du bois.
Tue un jeune poulain, étrangle une génisse.
Mais avant que sur eux l’animal ne bondisse,
Souvent tout le troupeau se rassemble, et les bœufs,
Les cornes en avant, se placent devant eux ;
Le loup rôde à l’entour, ouvrant sa gueule ardente,
Et, hurlant, il se jette à leur gorge pendante ;
Mais il voit de partout les fronts noirs se baisser
Et des cornes toujours prêtes à le percer.
Enfin, lâchant sa proie, il fuit, lorsqu’une balle
L’atteint, et les bergers, en marche triomphale.
De hameaux en hameaux promènent son corps mort :
Tel le loup qu’on voyait ce jour-là dans Coat-Lorh.