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C’est le Blavet tout noir au milieu des forêts ;
L’Ellé plein de saumons, ou son frère l’Izôle
De Scaer à Kemperlé coulant de saule en saule,
Et de là, pour aller ensemble à Lo’-Théa,
Formant de leurs beaux noms le doux nom de Létà ;
C’est l’El-Orn que la mer sale de son écume,
Et le triste Aber-Vrarh enveloppé de brume.
Dans le creux d’un chemin les deux vieillards assis
Sur les jours d’autrefois faisaient de longs récits.
Jours de troubles civils, de tourmente, de guerre,
Et que n’avaient pu voir Loïc ni le vicaire.
Ceux-ci restaient pensifs ; le plus jeune pourtant
Semblait d’un autre soin distrait en écoutant ;
Et le jour du Pardon (peut-être on se rappelle)
Comme ses yeux cherchaient le bas de la chapelle,
Durant ces entretiens ses yeux à l’horizon
Vers la forêt du Lorh cherchaient une maison.
Puis, tous s’étant levés, de demeure en demeure
Ils s’en allaient encore à la quête du beurre ;
Bien peu leur refusaient ; et souvent sur leurs pas
Eux-mêmes ils donnaient à ceux qui n’avaient pas.
Ils virent tour à tour Ker-Gôz et ses prairies.
Puis Ros-Zôz, le moulin aux collines fleuries,
Les terres du Moustoir et de Saint-Guennolé,
Et le hameau d’Hoël de ses arbres voilé.
 
Les voici dans l’enclos, au milieu du village.
Là, sous un châtaignier ouvrant son beau feuillage,
Ils entendent le bruit des haches, des marteaux,
Et les coups des faneurs qui redressent leurs faux.
Tous sont à l’œuvre. On scie, on façonne des claies,
Des fourches, ou des pieux pour soutenir les haies ;