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Solitaires manoirs, pourquoi tous ces murmures ?
Où les prendre, ces chants que vous me demandez ?
Silence, ô mers de l’ouest ! l’esprit souffre, attendez !
Au sortir de Paris, brasier qui toujours fume.
De mon cœur s’échappait ce cri plein d’amertume.
La Loire cependant m’entraînait sur ses eaux.
Et Nantes, la superbe, avec tous ses vaisseaux
M’apparaissait ; bientôt vint cette lande immense
Où comme en un désert la Bretagne commence :
La rivière profonde, un men-hîr isolé,
El l’idiome pur depuis l’Inde parlé ;
La mer enfin, la mer ! les chênes au vert sombre ;
Près des champs de blé noir les hameaux couverts d’ombre ;
Des pèlerins passaient, leurs longs cheveux épars ;
Et tout charmait mon âme, enivrait mes regards…
Le premier entre tous, ô vivante harmonie !
Si ma voix t’a chantée et si tu l’as bénie,
À ton appel nouveau j’accours ; je redirai,
Avant qu’il meure aussi, cet ensemble sacré.
Ta couronne est tombée, antique souveraine !
Mais ta grâce rustique est si douce et sereine.
Que ces vers consacrés à tes humbles beautés,
Chers aux Bretons, ces vers seront partout chantés.
 
Dans la paix de mon cœur et dans son innocence
(Car les simples de cœur ont aussi leur puissance),
Malade ou désolé, quoi que fasse le sort,
J’achèverai mon œuvre et serai le plus fort.
Mais bien souvent, Seigneur, quand la noire tempête
Élèvera ses flots au-dessus de ma tête,
Ainsi que le pêcheur près de sombrer, hélas !
Vers vous en gémissant je tendrai les deux bras ;