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Maigre essaim d’affamés, étaient venus s’abattre,
Si tristes tous les jours, si joyeux ce matin,
Qu’ils attendent leur part des bribes du festin ;
Aussi les voilà tous munis de leur écuelle :
Mais les feux sont éteints ; la noce où donc est-elle ?
 
La noce était au bourg, et priait pour ses morts
Autour du tréteau noir où l’on pose les corps ;
Puis, le service dit, on vit la foule entière
Chercher chacun sa tombe aux coins du cimetière :
Et le sol fut couvert de parents à genoux
Occupés à prier pour ceux qui sont dessous,
Les conviant aussi, dans leur couche profonde,
À se mêler un jour aux fêtes de ce monde.

À vous, pauvres ! à vous, enfin, estropiés !
Déposant leurs habits de deuil, les mariés,
Chacun heureux et fier de vous servir lui-même,
Viennent les bras chargés des mets que le pauvre aime.
Qui ne sait que, vêtus d’un lambeau de toison,
Les saints vont éprouver le riche en sa maison ?
Ô la soupe abondante, et grasse, et bien trempée !
Des tripes à foison ! Une franche lippée !
On pourrait se nourrir rien qu’à l’odeur des fours.
Hélas ! que ne fait-on des noces tous les jours !
Mais, dites ! à présent, messieurs, et vous, mesdames.
Sentez-vous pas courir en vous certaines flammes ?
Haut le pied, les truands, et donnez votre main !
En danse ! la bombarde entonne son refrain.
Le clerc vient inviter Giletta, la pauvresse,
Qui de plaisir rougit et d’orgueil se redresse :