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Disait-elle en filant, et je les sais par cœur.
Annaïc repoussait toujours ce mariage,
Qui, selon quelques gens, du diable était l’ouvrage ;
Mais un jour le recteur, montant sur son cheval,
Courut droit au couvent ; à son saint tribunal
Il demanda la fille, et lui dit, le brave homme.
Qu’on pouvait se sauver en toute voie ; en somme,
Que Loïc, mauvais clerc, serait bon laboureur.
Or Anne n’avait pas l’écolier en horreur.
Le recteur fait ainsi deux noces au lieu d’une.
Le pauvre y gagnera. Mais, chacun et chacune,
Silence ! S’il fallait qu’un mot de tout ceci
Fiît redit au vicaire, ouvrez ma tombe ici ! »

L’église cependant était toute remplie
D’une foule à la fois joyeuse et recueillie.
Les pompes de la noce, éblouissant les yeux
Des jeunes, rappelaient leurs beaux jours aux plus vieux,
Leur grande attention devint plus grande encore
Quand chacun des époux, après un oui sonore,
Offrit l’anneau d’argent, orné d’un cœur en feu,
À celle qu’il venait de choisir devant Dieu.
Les plus fins crurent voir qu’Anna sans défiance
De son fidèle clerc accepta l’alliance ;
Mais Hélène plia les phalanges du doigt.
Pour garder sur Lilèz une part de son droit.
Comme un présage heureux d’union conjugale,
Tous les cierges brûlaient d’une lumière égale ;
Et nul, à leur clarté, n’aurait pu découvrir
Qui des nouveaux époux devait d’abord mourir.
 
Enfin la messe dite et la foule sortie,