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Le char où son armoire avec pompe est dressée
S’avance, précédé de l’habile artisan
Qui sur un tel chef-d’œuvre a sué près d’un an ;
Derrière, un bouvillon, une génisse blanche ;
Puis, entre ses parents, en habit de dimanche,
L’aimable jeune fille, avec les yeux baissés,
Par qui sont à l’époux ces présents adressés.

Au seuil de la maison le chariot s’arrête.
La ferme cependant reste close et muette.
Un tailleur jovial, orateur du convoi,
Heurte tout en fureur, et demande pourquoi
Cette porte fermée, où s’est caché le maître,
Et s’il faut que l’armoire entre par la fenêtre ?
Par l’étroite fenêtre un meunier répondit,
Homme grave, esprit mûr, pesant tout ce qu’il dit.

ban-gor, le meunier.

D’où viennent tous ces bruits ? Le cœur plein d’amertume.
Je veillais un ami qu’un grand amour consume.
Vos cris l’ont éveillé. Saurai-je la raison
Qui vous fait brusquement troubler cette maison ?
Une vierge, il est vrai, chez nous est attendue,
Et nos champs fleuriront de joie à sa venue ;
Mais ce meuble en noyer, brillant comme un miroir,
Cette génisse blanche et ce bouvillon noir
Ne seraient pas pour nous : amoureux d’une belle,
Nous n’attendons rien qu’elle, et nous ne voulons qu’elle.
Ainsi, mon bon ami, je vous serre la main :
Vous vous êtes trompé de porte et de chemin.