Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lilèz, attend la vierge amoureuse et fleurie ;
Mais vos premiers appuis, une mère, un parrain,
Prudents, consultent l’heure et sondent le terrain.

Faut-il pas qu’un tuteur, mariant son pupille,
Connaisse tous les biens comme il connaît la fille ?
C’est une règle ancienne : il visite en détail
La terre et le logis, la grange et le bétail.

Guenn voulut ce jour-là, cette prudente veuve.
Décorer sa maison comme une maison neuve.

Jamais on n’aura vu logis si bien rangé,
Meubles plus reluisants, buffet mieux étagé,
Sous un linge plus blanc meilleur pain sur la table,
Plus de seigle au hangar, plus de foin dans l’étable.
L’abondance partout, partout la propreté.
Dès la pointe du jour (un beau matin d’été)
Elle-même éveillait valet, berger, servante,
Sa fille. Les dormeurs étaient dans l’épouvante :
« Alerte, mes enfants ! de vos draps sortez tous !
Demain vous dormirez, aujourd’hui levez-vous !
Sus ! sus ! j’ai partagé l’ouvrage entre vous quatre.
Vous, Alan, balayez la grange et l’aire à battre ;
N’y laissez pas un grain de sable ; vous mettrez
Sous les bestiaux des lits de paille bien fourrés.
Vous, mes filles, il faut qu’en nos murs on se mire :
N’épargnez point vos bras, n’épargnez point la cire ;
Cirez tous les bahuts, frottez, cirez encor :
Je veux que ma maison brille comme de l’or. »

Lecteurs, vous devinez pourquoi ces airs de fête ;
Une grande visite aujourd’hui sera faite.