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Dès que l’un d’eux parut : « Or çà, mes gars, dit-elle,
Que veniez-vous chercher ce soir dans la chapelle ?
Innocents Cornouaillais, savez-vous ce qu’on dit ?
Lorsqu’on ne maudit pas, soi-même on est maudit.
Vos colères à vous sont toutes dans la tête :
Vous jurez, vous frappez, c’est toute la tempête.
Nul de vous n’a le cœur de garder plus d’un jour
Une haine robuste avec un grand amour.
Pourtant, hommes légers, de vos langues de femmes
Ne lancez pas sur nous des paroles infâmes,
Sinon (j’ai mes secrets), comme l’herbe des prés,
Sur vos genoux tremblants, vilains, vous sécherez ! »
 
À ces cris de la vieille, à son rire effroyable,
Le bon Lilèz crut voir la servante du diable :
Brusquement il saisit son ami par la main,
Et passa devant lui dans le petit chemin.
Alors, faisant effort pour desserrer ses lèvres :
« Partons, dit-il ; déjà je tremble et j’ai les fièvres… »

Depuis le soir d’alerte où, grâce à maître Hervé,
Ce couple de proscrits des soldats s’est sauvé,
Ils ont couru tous deux bien des bois, des bruyères,
Visitant les manoirs, évitant les chaumières :
Hélas ! dans ce pays, moins breton tous les ans,
Chose amère ! ils craignaient leurs frères paysans.
Le regard d’un passant, un bruit dans les feuillages,
Les aboiements des chiens rôdant près des villages.
Tout les faisait trembler. « Autant vaut être loups ! »
Disait Loïc. Lilèz reprenait : « Sauvons-nous ! »
À grands pas cette nuit ils marchaient vers la côte ;
Ce fut, en les quittant, le conseil de leur hôte :