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Des conscrits de Plô-Meûr racontait le départ :
Jour mauvais où tout homme était pris par la guerre,
Et que ceux d’à présent ne connaissent plus guère.
Et leurs maux, mesurés à de plus grands dangers,
Tel est le cœur humain, leur semblaient plus légers.
 
Cet éloquent meunier, debout près de l’église,
Comme il chante avec feu, malgré sa barbe grise !
Oui, tout autre chanteur, aveugle ou mendiant,
Qui, mené par son chien, s’en va psalmodiant.
Honteux, devrait se taire en face d’un tel barde
Que tous ont surnommé le Roi de la bombarde !

Quel air doux et plaintif, et fait pour les Bretons !
Devant son escabot écoutons, écoutons !
 
« Jeunes gens désolés qui partez pour la France,
Conscrits d’un temps de paix, emmenez l’Espérance !
Elle vous guidera loin de vos verts taillis ;
Un jour vous reviendrez avec elle au pays.

« Un temps fut (que jamais. Seigneur, il ne renaisse !)
Où tous ceux de vingt ans maudissaient leur jeunesse ;
Par bandes chaque année on les voyait partir :
Hélas ! on ne voyait aucun d’eux revenir.
 
« Les bourgs étaient déserts ; des gens usés par l’âge,
Ou des enfants, erraient seuls dans chaque village ;
Partout les bras manquaient pour semer ou planter ;
Et les femmes enfin cessèrent d’enfanter.
 
« Napoléon était le chef qui, pour ses guerres.
Enlevait sans pitié leurs fils aux pauvres mères :