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Tous mes jours seront noirs. Les nuits, dans tous mes rêves,
Je vous verrai le corps percé de mille glaives ;
Puis sur un chariot à demi mort traîné.
Et dans un hôpital de tous abandonné ! »
 
Le prêtre interrompit la femme : « En toute chose,
Souvenez-vous de Dieu, votre fin, votre cause :
Vos pas seront plus sûrs dans les adversités,
Et votre cœur plus fort devant la mort. Partez. »

Et son parrain : « C’est moi, quand vous vîntes sur terre,
Qui vous tins sur les fonts de notre baptistère ;
Là, vous nommant chrétien, j’engageai votre foi :
Or, parjure pour vous, le seriez-vous pour moi ? »

« — Non ; je me souviendrai des vœux de mon baptême !
Jésus, Dieu de pitié, soutient celui qui l’aime»
Adieu ! j’entends l’appel. Oui, dans cette maison,
On parque les agneaux pour couper leur toison.
Les ouvriers sont prêts pour émonder les saules :
Ah ! mes nobles cheveux qui couvraient mes épaules,
Leur fer va les couper ! Aide-moi, juste Dieu !
Je serai moins qu’un homme en sortant de ce lieu. »
 
Puis, pressé par le flot de toute sa cohorte,
Il entra dans l’Hôtel, tandis que sur la porte
Ses parents et le clerc Daûlaz vinrent s’asseoir,
Pour lui parler encore ou du moins le revoir.
 
Au milieu de la place est Ban-Gor. Sa parole
Assemble autour de lui la foule, et la console.
Le barde, dans un chant énergique et sans art,