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Les taureaux en fureur font claquer leurs attaches.
Les féroces bouchers, ces ennemis des bœufs,
Qui laissent une odeur infecte derrière eux,
Passent. Vous n’entendez que des troupeaux qui bêlent.
C’est un murmure immense où quelques voix s’appellent.
Mille gens, mille bruits. Ô peuples de Corré,
Vaillants hommes de Scaer, Loc-Ronan. Plou-Aré,
Vous n’avez rien perdu des anciennes coutumes !
Nos pères connaîtraient leurs fils à leurs costumes :
Vous la portez encor, la braie aux plis flottants
Et vos grands cheveux bruns longs depuis trois mille ans !
Des rejetons nouveaux poussent aux vieilles souches !
Le langage breton sort de toutes les bouches !
Il était là, le barde, au port franc, à l’oeil vif !
Cet hiver au village il ne fut point oisif.
Tandis que son moulin broyait l’orge ou le seigle.
Lui, couché sur les sacs, suivant son goût pour règle,
Tout en voyant tomber la farine et le son
Et sa meule tourner, tournait une chanson ;
Et la foule, attirée aux airs de sa bombarde,
Aujourd’hui répétait les cantiques du barde :
Airs anciens et nouveaux. Quand s’arrêtaient les chants,
Soudain recommençaient les appels des marchands,
Les rires des buveurs, et, devant les boutiques,
Les conversations bruyantes des pratiques :
« Tal-Houarn, un beau soleil et chaud pour la saison !
Encor trois jours, puis vient Carême et son poisson.
— C’est vrai, le maigre arrive ; en attendant, liesse,
Jeanne ! et que ces trois jours soient une mer de graisse ! »
Sous leurs coiffes de chanvre et leurs larges chapeaux.
De ces blonds jeunes gens quels sont donc les propos ?
Leurs propos sont bien doux, car leur mine est bien tendre,