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Comme sa cathédrale, aux deux tours dentelées,
S’élève noblement du milieu des vallées !
O perle de l’Oded, fille du roi Grallon,
Qui de saint Corentin portes aussi le nom,
Réjouis-toi, Kemper, dans tes vieilles murailles !
Vois avec quelle ardeur, ô reine de Cornouaillcs,
Tes fils, de tous les points de l’antique évêché,
Pêcheurs et campagnards, viennent à ton marché !
Cornouaillais ! en passant près de sa basilique,
Du bon saint Corentin adorez la relique.
Que tous ceux d’Elliant et des mêmes chemins
Boivent à sa fontaine et s’y lavent les mains !
Non pas les Léonards, eux de qui les ancêtres,
Voici quelque mille ans, hommes jaloux et traîtres,
Volèrent le poisson dont notre Corentin
Coupait pour se nourrir un peu chaque matin,
Et qui chaque matin, ô pieuse merveille !
Nageait dans sa fontaine aussi frais que la veille.
Eh bien ! les Léonards volèrent ce poisson.
Mais Kemper n’oublia jamais leur trahison ;
Sans jouir de leur crime, ils en portent la peine,
Et toujours le poisson nage dans sa fontaine.

Tant de gens sont venus au Marché-des-Jours-Gras,
Qu’à peine dans Kemper on pourrait faire un pas ;
Le Champ-de-Foire est plein et d’hommes et de bêtes,
Et la Place-de-Ville est une mer de têtes.
Mais ces gens si nombreux, qu’on dirait des fourmis,
Tous ne reviendront pas ce soir à leur logis.
Voyez là-bas, voyez dans ce coin de la place,
De quels torrents de pleurs ils inondent leur face !
Ils ont droit de pleurer et de gémir si fort,