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De ces conseils pieux savouraient les douceurs.
Avec leurs corsets noirs et leurs coiffures jaunes,
Par ces brumes d’octobre on aurait dit deux nonnes.
Ce fut, à leur entrée, un murmure joyeux.
Leur bon oncle en riant les baisa sur les yeux.
Chacun les admirait. Elles, toujours discrètes.
Disaient : « À vous servir, voyez ! nous sommes prêtes. »
 
Vraiment, pour relever les talus de Ker-Barz,
Qui, minés par les eaux, croulaient de toutes parts,
Avant que par le froid la brèche ne s’accroisse,
Ils étaient bien venus de la seule paroisse
Vingt braves ouvriers ; et ces vingt travailleurs
Firent ce que le double aurait pu faire ailleurs.
C’est que tous s’employaient pour une œuvre commune,
Pour un fermier comme eux, sans récompense aucune ;
Et durant ce travail des pelles et des bras,
Le rire et les bons mots, certes, ne manquaient pas ;
Puis, leur laine à la main, lorsque les jeunes filles
S’en venaient devant eux manier les aiguilles,
Même les plus âgés, les plus lourds, les plus froids,
Semblaient prendre conseil de ces agiles doigts.
Ah ! c’était un plaisir de les voir à la file
Pêle-mêle entasser les cailloux et l’argile,
Revêtant les parois de mottes de gazon
Épaisses à braver la plus rude saison.
Viennent par-dessus tout les ronces, les broussailles,
Et ces talus seront plus forts que des murailles.
Non, même aux Lamballais, ces maîtres fossoyeurs,
Nul n’irait demander des ouvrages meilleurs.
 
Enfin le soir venu, paisible soir d’automne,