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Elle avait l’œil au champ, au lavoir, à la huche.
Oui, toute sa maison était comme une ruche.
Ses filles, qu’au bourg seul on vit depuis un mois,
Ce matin vont sortir pour la première fois :
« Çà donc, habillez-vous, mes filles, leur dit-elle,
Puisque pour un banquet un parent vous appelle.
Vous aiderez les gens ; mais qu’on voie à votre air
Que vous êtes, hélas ! orphelines d’hier !
Moi, si j’en ai la force, avant que le jour tombe,
J’irai jusques au bourg prier sur une tombe. »
Et comme avec Hélène Annaïc se coiffait,
Elle se mit encore à ranger au buffet
Les vases de faïence et les vases de cuivre ;
À la plus belle place elle étalait son livre ;
Et les montants de buis, les portes, le tiroir,
Sous ses doigts diligents brillaient comme un miroir.
Elles partent ; la mère, en leur montrant la route,
Leur dit : « Vous trouverez le vieux Furic, sans doute ;
Qu’il ait soin cet hiver de nos mouches à miel !
C’était l’associé de votre père Hoël.
Car elles n’aiment pas, ces braves ouvrières,
À courir pour un seul les bois et les bruyères :
Elles veulent unir le riche et l’indigent.
Donc, si celui qui tient du ciel un peu d’argent
Et quelques beaux essaims au pauvre les apporte.
Les ruches sont à peine aux deux coins de la porte,
Que voilà de sortir, de rentrer tout le jour.
Ces mouches, dont le cœur enferme tant d’amour,
Suçant tous les bourgeons, toutes les fleurs nouvelles,
Que Dieu mit dans les champs pour le pauvre et pour elles. »
 
En suivant leur chemin, croyez que les deux sœurs