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Pour dormir avec moi ne pouvait-il m’attendra ?
Dans mon cercueil aussi je suis près de m’étendre.
Nous n’avons eu qu’un lit durant plus de vingt ans ;
Morts, nous aurions dormi comme autrefois vivants. »
 
Les prêtres cependant rentraient dans la chapelle.
Sous un amas de terre alors prenant sa pelle,
Le fossoyeur, aidé du jeune clerc Daûlaz,
Poussa sur le cercueil le sable humide et gras.
Les parents sanglotaient ; car chaque pelletée
Qui tombait sur Hoël semblait sur eux jetée.
 
Comme ce vieux Breton qu’un tertre va couvrir,
Si ton heure est sonnée, et si tu dois mourir,
Vois avec quel amour j’épanche de ma verve
Ce miel de poésie, Arvor, qui te conserve ;
Comme autour de ton corps je construis un tombeau
Plus rempli de parfums, plus solide et plus beau
Qu’au fond des bois sacrés, pour sa chère Viviane
N’en éleva Merlin, ce grand maître en arcane !
Si ton jour est venu, comme tes vieux héros,
Dans leur auge de pierre étendus sur le dos,
Bretagne, dors en paix ! J’ai répandu l’arôme.
Le miel de poésie, ô mère ! qui t’embaume.