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Elles mettent une heure à ce pèlerinage,
Dans un mois de soleil et de naissant feuillage.
Tout est sombre aujourd’hui ; l’eau tombe incessamment,
Et vers leur dernier lit les morts vont lentement.
Hoël eut les honneurs qu’aux riches on délivre :
Il eut la croix d’argent avec la croix de cuivre ;
Un notable du bourg prit la corne des bœufs,
Afin de les guider dans les chemins bourbeux ;
Puis, hommes en manteaux, femmes en coiffes jaunes,
Suivirent à travers les bouleaux et les aunes.
 
Mais voici que la veuve, au départ du convoi,
Se trouble, et vers le corps jetant un cri d’effroi :
« Quel sentier prenez-vous ? Tout droit, tout droit, dit-elle,
Suivez la grande route, et suivez la plus belle !
De le conduire en terre êtes-vous si pressé ?
Je veux que son deuil passe où sa noce a passé. »
 
Sans répondre, on suivit la route la plus large,
Et les bœufs du fermier emportèrent leur charge
Par ces mêmes chemins qu’Hoël, fort et vivant,
Pour aller à la messe avait faits si souvent.
À peine on entendait le mouvement des roues,
Tant le guide, malgré les mares et les boues,
Evitait avec soin le choc de tout rocher,
Tout arbre où la charrette aurait pu s’accrocher.
De lui-même, en tournant la forêt, l’attelage
S’arrêta (dernier coin d’où sortait le village).
Qui sait des animaux le sens mystérieux ?
Tous les gens du convoi firent halte avec eux.
Celui qui les menait, s’appuyant sur leurs têtes,
À leur instinct secret laissa les nobles bêtes ;