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Moi, je m’en vais au bourg chercher la croix de cuivre.
Adieu, Furic ! — Courage, Alan ! »

Le soir venu,
Le cercueil fut ainsi posé ; car je l’ai vu :
Trois draps semés de fleurs formaient une chapelle ;
Aux quatre coins, des os de morts, une chandelle ;
Aux pieds, un bénitier ; à la tête, une croix ;
Et Guenn, la vieille Guenn, sur un siège de bois,
Regardait le défunt, dont la lèvre entr’ouverte
D’une teinte verdâtre était déjà couverte.
Les pieds aussi sortaient d’une horrible façon.
Des hommes près du feu hurlaient à l’unisson.
C’est alors que, passant sous les murs du village,
Mon cheval, effrayé de ce concert sauvage,
Se cabra ; je poussai la porte, et, d’un coup d’oeil,
Je vis ces draps tendus, ce corps dans son cercueil,
Les veilleurs attablés devant un feu de lande,
Et dans l’ombre, à travers la fumée, une bande
D’amis et de voisins qui priaient à genoux.
Guenn-Du tenait en main une branche de houx.
Je la pris, et deux fois, dans la forme prescrite,
Sur le corps du fermier je jetai l’eau bénite.
Je vis Hélène, Anna, muettes dans leur coin ;
Et près d’elles encor, silencieux témoin,
Le jeune clerc Daûlaz (il avait voulu rendre
Ce devoir à celui qui le choisit pour gendre) ;
Puis le fermier Tal-Houarn, et Lilèz son filleul,
Qui, sous ses longs cheveux, sur un banc pleurait seul.
 
Ce peuple aime les morts ! Au milieu d’une fête,
Pour eux il s’agenouille et découvre sa tête ;