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L’âme et les sens d’Hoel désormais plus tranquilles,
Le prêtre, avec son clerc chargé des saintes huiles,
A quitté la maison : certes, cet homme noir
Avait fait dignement, selon Dieu, son devoir.
 
Des propos, cependant, près de la cheminée
Commencent à voix basse : « Oui, dans sa fille aînée,
Disait la vieille Guenn, son amour reposait ;
La clef de son esprit, cette fille l’avait.
Quoi ! sans me rien laisser sortir de cette vie !
Côte à côte, avec lui, pourtant je l’ai suivie
Durant plus de vingt ans ! et je le soignais bien !
Et peut-être il me doit de mourir en chrétien !
Dites ! quand plein de cidre il rentrait de la foire,
N’avait-il pas encore au logis de quoi boire ?
Et souvent sur le gril un bon morceau de lard ?
Mais tout homme est un loup, ou bien est un renard. »

« — Chut ! répondit Armel, parlons plus bas, voisine :
Prenez garde aux mourants, ils ont l’oreille fine.
— Oui, dit la Giletta, songez à l’avenir.
Hoël, tout bas qu’il est, pourrait en revenir.
J’en ai bien vu passer dans la cruelle angoisse ;
Mais j’en connais aussi plus d’un dans la paroisse
Dont le fuseau semblait tourner son dernier tour,
Et qui chaque dimanche entend la messe au bourg.
Donc, silence, Guenn-Du ! car, s’il vous abandonne,
Votre cœur l’aime encor ; vous êtes toujours bonne…
Allons, donnez du bois, la pluie éteint le feu.
— Guenn-Du ! femme Guenn-Du ! — L’entendez-vous, grand Dieu.
Avez-vous entendu cette pauvre voix creuse ?
Oh ! oui, je l’aime encore ! oh ! la très malheureuse ! »